S’il est un amour qui n’abandonna jamais Chopin, c’est celui des fleurs – et la dernière image que laissa le compositeur polonais fut celle d’un homme dormant paisiblement parmi elles ; car « il en fut apporté une telle quantité » sur son lit de mort, raconta Liszt, « que la chambre entière disparu[t] sous leurs couleurs variées ; il sembla reposer dans un jardin ». Or, cette grâce florale tout à la fois avive et réfute l’encombrante légende romantique qui, aujourd’hui encore, poursuit le compositeur. L’avive, car elle accompagne souvent les joliesses décoratives et les élans sentimentaux ; la réfute, puisqu’il y a une violence latente des fleurs, que les poètes ont su déchiffrer.
En effet, leur beauté n’est pas mièvre et la mythologie classique révèle qu’elles naissent des larmes, du sang ou de la chair de ceux qu’elles abolissent et magnifient en une même et paradoxale métamorphose. Comment ne pas y songer, lisant les mots de Schumann, découvrant la musique de Chopin pour la première fois : « je voyais s’ouvrir étrangement devant moi des yeux absolument inconnus : des yeux de fleurs […] ». Si la sensibilité romantique de Chopin se manifeste par une harmonie expressive, il est pourtant classique par sa recherche d’équilibre formel et, parfois même, baroque, par sa concision rhétorique. Tout bouge sans cesse sur son clavier, mais les contraires s’y résorbent, rassemblés miraculeusement dans le corps même de l’œuvre. Fleurs, musique – « ô pure contradiction » : l’accessibilité, la gratuité, l’élégance des unes comme de l’autre se révèlent, pour celui qui les interroge, plus énigmatiques qu’il n’y paraît. Schumann, encore : « cette musique n’est pas de la musique ; ce sont des canons, enfouis sous les fleurs ».
Les intros’ de Marie : AUTOUR DE CHOPIN
(1h avant la représentation)
Choix de pièces pour piano seul (valses, polonaises, mazurkas, barcaroles, préludes & nocturnes) / F. Chopin
Ferme-Asile
Promenade des Pêcheurs 10
1950 Sion
Suisse